Nous commençons ici une petite série relative à l’OMS et au traité pandémique en préparation, avec d’abord trois réflexions de contexte (la CCLAT, Pasteur et Béchamp, Charte d’Ottawa) pour terminer avec une étude réalisée avec Me Henri Gendre sur les implications légales et politiques possibles.
La Convention-cadre pour la lutte anti-tabac CCLAT
Alors que l’OMS est en train de négocier un traité pandémique, il semble intéressant de tirer un parallèle avec le premier traité international négocié sous ses auspices : la Convention-cadre de l’OMS pour la lutte antitabac. Elle a été adoptée par l’Assemblée mondiale de la Santé le 21 mai 2003 et est entrée en vigueur le 27 février 2005.[1]
On notera que l’OMS communiquait alors – de manière prémonitoire ? – la nécessité d’un tel traité en raison de la « mondialisation de l’épidémie de tabagisme » (sic).
Ce traité international apporte une réponse juridiquement contraignante et globale pour la mise en œuvre de mesures phares pour la réduction de la demande et de l’offre de produits du tabac. En effet, les pays qui ont ratifié la CCLAT ont l’obligation juridique d’aligner leurs lois et règlements nationaux au cadre fixé par la CCLAT.[2]
Le 25 juin 2004, la Suisse a signé la Convention-cadre de l’OMS pour la lutte antitabac. Par sa signature, le Conseil fédéral a exprimé sa volonté de reprendre en Suisse les objectifs de prévention du tabagisme de l’OMS. La ratification de la convention est soumise à l’approbation du Parlement et demeure un objectif dans le cadre de la mise en œuvre de la stratégie nationale de prévention des maladies non transmissibles. Conformément à une pratique établie, la Suisse ne ratifie une convention internationale qu'après avoir adapté sa législation nationale (mise en conformité avec la convention). La ratification suppose ainsi que la législation suisse respecte certaines restrictions minimales définies par la CCLAT en matière de publicité, de promotion et de parrainage.[3]
Or le Parlement suisse s’est systématiquement opposé à l’interdiction globale de toute publicité en faveur du tabac, de toute promotion et de tout parrainage (art. 13 CCLAT), empêchant la législation suisse d’être adaptée aux exigences de la CCLAT et partant empêchant la ratification par le Parlement.[4] En effet, la Loi sur les produits du tabac LPTab, adoptée par le Parlement le 1er octobre 2021, ne satisfaisait pas aux exigences minimales de la CCLAT.
Cette loi n’est pas encore entrée en vigueur et doit déjà être partiellement révisée en raison de l’acceptation, le 13 février 2022, de l’initiative populaire « Oui à la protection des enfants et des jeunes contre la publicité pour le tabac (enfants et jeunes sans publicité pour le tabac) ». Le 24 mai 2023, le Conseil fédéral a adopté le message concernant la révision partielle de la loi sur les produits du tabac à l’attention du Parlement. Les délibérations parlementaires sont prévues en 2024-2025 pour une entrée en vigueur prévue en 2026, soit plus de 20 ans après la signature par la Suisse, et cela bien que la Suisse soit une nation fondatrice et pays hôte de l’OMS…
Selon le message du CF du 24 mai 2023[5], « la Suisse n’ayant pas ratifié la CCLAT, cette dernière ne lui impose donc pas d’obligations à l’heure actuelle. Le droit suisse satisfait néanmoins à de nombreuses exigences de cette convention (…). Les nouvelles restrictions introduites dans le cadre de la mise en œuvre de l’initiative remplissent une condition requise par la convention pour les pays n’ayant pas imposé une interdiction globale en matière de publicité, de promotion et de parrainage (…) ; le présent projet propose un dernier complément indiqué en vue d’une éventuelle ratification de la CCLAT. »
En conclusion, c’est bien le Parlement, par le biais de l’approbation de la LTab, voire le peuple en cas de référendum sur la LTab, qui déterminera le futur de la ratification de la CCLAT.
[1] https://fctc.who.int/fr/who-fctc/overview [2] Bovet, P., Paccaud, F., Cornuz, J., Convention-cadre pour la lutte antitabac : un instrument puissant de santé publique, Rev Med Suisse, 2012/348 (Vol.-2), p. 1438–1441. URL: https://www.revmed.ch/revue-medicale-suisse/2012/revue-medicale-suisse-348/convention-cadre-pour-la-lutte-antitabac-un-instrument-puissant-de-sante-publique [3] OFSP, Séance de la CSSS-S du 16 avril 2019, Réponse à la question de la Commission du 19 février 2019 ; https://www.parlament.ch/centers/documents/_layouts/15/DocIdRedir.aspx?ID=DOCID-53009006-7986 [4] https://www.generationsanstabac.org/actualites/le-parlement-suisse-soppose-a-la-convention-cadre-de-loms-pour-la-lutte-antitabac/ [5] https://www.bag.admin.ch/dam/bag/fr/dokumente/npp/tabak/tabpg/teilrevision-tabpg-2023/tabg-botschaft-mai-2023.pdf.download.pdf/4b_Message_LPTab_f.pdf
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